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Linnea Leino, actrice : "J’aime beaucoup le travail que je fais mais je le fais aussi parce que j’ai besoin d'argent”

Linnea Leino joue l’un des personnages principaux de Girl Picture, film choisi par la Finlande pour représenter son pays aux Oscars. Plaisir féminin, masturbation et consentement dans les relations sexuelles sont quelques-unes des questions explorées dans ce coming-of-age au ton léger.

Girl Picture (Alli Haapasalo, 2022) est une des sensations des Arcs Film Festival. Représenté dans la section Oscar au ski, le film met en scène Emma, Mimmi et Rönkkö, trois jeunes filles qui commencent à expérimenter l’amour et la sexualité. On a eu la chance de parler avec Linnea Leino (Finlande, 1994) connue dans le pays nordique pour sa participation dans la série Aikuiset (2019), qui joue dans ce film le rôle d’Emma. Notre discussion nous a amené à évoquer des sujets aussi variés que les difficultés du travail d'actrice à la question du genre dans l’industrie du cinéma.

On a trouvé que c’était un très beau coming-of-age film, mais les trois personnages principaux évoluent dans un cadre très privilégié : elles vivent seules, dans de grands appartements, dans un environnement très safe, avec des adultes bienveillants autour d’elles. On se demande dans quelle mesure cela reflète la réalité de la vie d’une jeune femme en Finlande ?

Ce n’est pas vraiment la réalité aujourd'hui malheureusement mais la Finlande est un pays très petit, par exemple à Helsinki là où j’habite, on est assez safe : je peux marcher la nuit, je n’ai pas peur. Aussi, les ados, dès qu’ils ont fini le lycée, ils déménagent. Donc ça c’est réel, dans le film, que Mimmi habite toute seul. Même si avec Metoo maintenant, on voit de grands changements dans nos sociétés, les gens sont plus ouverts, mais quand même non c’est une utopie, on ne peut pas vivre comme ça en Finlande, malheureusement.

Le film aborde des thèmes que l’on voit rarement au cinéma, comme la question du consentement dans les relations sexuelles, ou le plaisir féminin, la masturbation féminine, est-ce que vous pensez que ce film a une portée pédagogique ?

Oui, je pense, même si la réalisatrice et les scénaristes le savent mieux que moi. Mais maintenant, en Finlande on fait des shows pour les jeunes aux collèges. Donc ça peut avoir ce rôle-là oui, même si ça n'a pas été l’objectif du film. Le film est effectivement montré dans différents endroits, dans des écoles, auprès d’un public jeune.

D’ailleurs, il y a beaucoup de scènes d’intimité dans le film, peux-tu nous raconter un peu comment ça s’est passé ? Est-ce que c’était des scènes particulièrement difficiles ou gênantes à tourner ?

Avec notre coordinatrice d’intimité, on a eu des workshops pour parler de comment on va faire ces scènes. On avait des signes, par exemple, si je fais ça pendant une scène (elle croise ses bras sur sa poitrine), elle savait qu’elle devait tout arrêter. Puis on a fait une chorégraphie de toutes les scènes intimes. Par exemple, je commençais, j'étais d’un côté pendant trois secondes, et après je change pendant deux secondes et après je fais une autre position. C'était super facile parce qu’on a fait beaucoup de répétitions. En fait, j’ai beaucoup aimé faire ces scènes intimes. 

On voit que les personnages sont contraintes par des normes de genre très fortes, est-ce que tu as aussi senti ça dans ta carrière d’actrice, que les gens attendaient de toi un certain comportement ?

Je crois que c’est surtout moi qui suis très dure avec moi-même mais aussi, comme être actrice, c’est un travail que tout le monde voit, ça induit de la pression : tout le monde pense qu'être comédienne c’est seulement une question de passion et d'amour pour le travail, j’aime beaucoup le travail que je fais mais je le fais aussi parce que j’ai besoin d'argent. C'est une réalité que les gens ne comprennent pas.

On était intrigués de voir que tu avais 28 ans et que tu jouais le role d'une jeune fille plus jeune, qu’as-tu pensé de ce choix ?

Oui, Emma a 19 ans et Rökkö et Mimmi 18. J’avais un petit peu peur parce que j’étais au casting et tout le monde était plus jeune que moi. Mais ils ont fait le choix parce qu’ils pensaient que je pouvais bien le faire. Aussi, ils ont vu les autres travaux similaires que j’ai fait en jouant un personnage plus jeune.

Tu parles très bien français, envisages-tu une carrière d’actrice en France ? Ou es-tu très attachée au cinéma finlandais ?

J’aimerais beaucoup beaucoup travailler en France et travailler en français ! Comme j'ai appris le français, j’aimerais l’utiliser aussi dans le travail, pas seulement trois jours aux Arcs. J’aime beaucoup le cinéma finlandais mais j’aimerais bien explorer comment l’industrie marche dans différents pays. Je pense que c’est très différent et j’aimerais trouver des personnes qui m'inspirent.

 

Par Claire Thabourey et Luis Míguez (MIOB Journalism Lab)


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